DOSSIER N°4

Civilisations extraterrestres

 

L'EQUATION DE DRAKE

( PARTIE 2 )

 

 

 

 

N = R x fp x ne x fl x fi x fc x L

Reprenons une à une chacune des inconnues de cette remarquable équation :

 

 

R, le taux moyen de formation des étoiles dans la Voie lactée est obtenu en divisant le nombre d’étoiles de notre Galaxie (soit environ 200 milliards), par l’âge de l’Univers (soit environ 13,7 milliards d'années-lumière), ce qui donne entre 14 et 16 étoiles environ qui se forment chaque année. R est peut être le seul paramètre de l’équation de Drake qui offre une bonne approximation.

 

 

fp (FP), jusqu’à présent, le seul exemple que nous ayons d’étoiles possédant un système planétaire composé à la fois de planètes gazeuses et telluriques est le Système Solaire qui compte neuf planètes. Cependant, de récentes découvertes montrent que beaucoup de jeunes étoiles sont entourées d’un disque de poussières capable de générer des planètes. Ces disques protoplanétaires ont été détectés par différentes observations dans le domaine de l’infrarouge, et dans le visible parle télescope spatial Hubble avec les extraordinaires vues de la Nébuleuse d’Orion qui est une des régions de la Voie lactée où semblent naître de grandes quantités d’étoiles. Toutes ces observations laissent supposer qu’au moins 50% des jeunes étoiles sont accompagnées de planètes. Nous ne sommes donc plus aujourd’hui le seul exemple d’étoile possédant un système planétaire, et les astronomes sont de plus en plus persuadés que l’existence de planètes autour d’une étoile est une réalité presque banale. Aujourd’hui, un certain consensus semble se dégager sur la valeur de fp (FP). Les chercheurs de planètes estiment à 5% environ le nombre d’étoiles (non binaires) qui pourraient abriter un système planétaire. Donc fp, (FP) pourrait avoir la valeur de 0,05. Pour le moment, nos techniques de détection des planètes ne nous permettent pas de déceler la présence de planètes ayant des masses équivalentes à celle de la Terre (des planètes telluriques). Seuls des objets aussi massifs que Jupiter sont catalogués avec certitude. Mais nos méthodes de détection des planètes extrasolaires ne cessent d’évoluer avec le temps, et au train où vont les choses, le taux de 5% des étoiles possédant un système planétaire pourrait augmenter considérablement dans la prochaine décennie et atteindre des valeurs proches de 50%. C’est ainsi que pour la première fois, en mars 2005, deux équipes d’astronomes américains sont parvenues à capter directement la lumière d’exoplanètes gravitant autour de leur propre soleil. Ces planètes qui portent les noms peu poétiques de HD 209 458 b et TrES-1, sont de lointaines soeurs jumelles de Jupiter. Leur lumière a mis respectivement 150 et 500 ans avant de nous parvenir. Voir des exoplanètes à cette distance c’est un peu comme essayer de distinguer une luciole virevoltante autour d’un phare lui-même situé à plusieurs centaines de kilomètres. Cette comparaison donne la mesure de l’exploit accomplis par les deux équipes d’astronomes (sources : Science&Vie n° 1053, juin 2005). Le Very Large Telescope (VLT) est déjà capable de fournir des images d’exoplanètes gravitant autour de leur étoile, et cette recherche des exoplanètes ne fait que commencer. 

 

 

 

 

Document 1 : disques protoplanétaires dans la Nébuleuse d'Orion (source NASA).

 

 

 

ne (NE), la fraction de planètes habitables dans le système solaire est de 11%, parce qu’il n’existe qu’une seule planète habitable connue à ce jour ( la Terre ) sur les neuf planètes que compte notre système. Il n’est pas exclu, cependant, que ce taux soit plus important si l’on admet qu’il peut exister d’autres planètes habitables dans le système solaire. Les informations les plus récentes que nous ayons au sujet d’Europe, l’une des quatre grandes lunes de Jupiter, laissent supposer qu’une forme de vie pourrait exister dans l’océan situé sous son épaisse couche de glace. Mars fut certainement autrefois une planète habitable. Titan, le plus gros satellite de Saturne, est le seul satellite planétaire du système solaire qui possède une atmosphère dense (essentiellement composée d’azote), à la chimie complexe, et qui pourrait un jour être habitable si, en se rapprochant du Soleil, il devenait plus chaud. Avec les progrès de l’exploration du système solaire, le nombre de planètes habitables s’est singulièrement élargi. Ces découvertes nous amènent à penser que le nombre de planètes habitables dans un système stellaire comparable au Système Solaire dépasse sûrement le taux de 11 %. Dans son livre publié en 1992 intitulé, Is Anyone Out There ? (formule qui peut se traduite par : « y-a-t-il quelqu’un à l’extérieur ? »), Drake se rappelle que les participants à la rencontre de Green Banks (novembre 1961) avaient estimé que la valeur minimum de ne (NE) devait être comprise entre un et cinq. Ce qui voulait dire que chaque système planétaire devait abriter au moins un endroit habitable de type terrestre, et qu’il pouvait même y avoir, trois, quatre, voir cinq planètes qui réuniraient les conditions favorables au développement de la vie. Cette vue optimiste était basée sur l’idée que notre système solaire devait être un type de système planétaire très répandu dans la Galaxie. Si la découverte récente de planètes favorables à la vie dans notre système (Mars, Europe, Titan) confirme en partie les estimations optimistes de Drake, les planètes extrasolaires détectées ces dernières années montrent au contraire que notre système n’est pas aussi typique que le croyait Drake.

 

 

 

Document 2 : Europe en couleurs naturelles. Cette lune atypique se caractérise par une couche de glace parcourue de longues fractures et de crêtes enchevêtrées. La taille d'Europe est approximativement égale à celle de la Lune (diamètre de 3138 km). En surface, sa température avoisine -145°C. Europe est constituée de glace d'eau et de matière plus dense. Son noyau serait composé de fer et de nickel, entouré d'un manteau rocheux de silicate. Cette couche de roche semble être recouverte d'une couche d'eau sous forme glacée ou liquide de 50 km d'épaisseur que recouvre une écorce lisse et glacée épaisse de 5 à 10 km. 

 

 

 

Document 3 : Europe cache peut-être, sous sa croûte épaisse de 5 à 10 km, un océan d'eau glacée profond d'au moins 50 km. Cet océan pourrait abriter des formes de vie évoluées.

 

 

 fl (FL), la fraction de planètes habitables abritant effectivement une forme de vie est pour le moment inconnue, même dans le système solaire (sauf pour la Terre évidemment). Les conditions nécessaires à l’apparition de la vie restent encore assez mystérieuses et le resteront quelques temps encore tant que nous n’aurons pas une idée claire des caractéristiques d’un environnement planétaire favorable à l’éclosion de la vie. Il est aujourd’hui admis que la vie sur Terre a pu apparaître et disparaître plusieurs fois et que son apparition a certainement été influencée par des apports d’origine cosmique (comètes, astéroïdes).

 

 

 

 

Document 4 : autour de chaque étoile, il existe théoriquement une zone où les conditions physiques sur les planètes (température, gravité, etc...) sont compatibles avec l’existence de la vie, du moins telle que nous la connaissons sur Terre.

 

 

 

Document 5 : pour avoir une idée du nombre de planètes habitables dans notre Galaxie, il faut aussi prendre en compte des éléments extérieurs tels que les changements de luminosité des étoiles. Notre Soleil, par exemple, offre de telles variations sur une période de plus de 4,5 milliards d’années. Il faut aussi envisager le rôle de la Lune et des grosses planètes gazeuses (Jupiter, Saturne). Des simulations réalisées sur de puissants ordinateurs montrent que des planètes similaires à la Terre seraient incapables de maintenir leur place dans un système planétaire où évolueraient plusieurs autres planètes ayant des masses comparables à celle de Jupiter. Les effets gravitationnels engendrés par ces planètes massives éjecteraient littéralement les petites planètes.

 

 

 

Le rôle de Jupiter. Des simulations sur ordinateur ont montré que des systèmes planétaires ne possédant aucune planète géante comme Jupiter n’étaient pas favorables à l’éclosion de la vie. En effet, la masse de Jupiter (égale à près de 70% de lamasse des planètes du système solaire sans le Soleil) agit comme une sorte de puissant aspirateur gravitationnel. La présence de Jupiter limite donc fortement les risques de voir la Terre percutée par un gros astéroïde, qui pourrait, sinon la détruire totalement, du moins ravager sa surface et empêcher la vie d’apparaître.

 

 

 

Document 6 : la masse de Jupiter (égale à près de 70% de la masse des planètes du Système Solaire sans le Soleil) agit comme une sorte de puissant aspirateur gravitationnel. La présence de Jupiter limite donc fortement les risques de voir la Terre percutée par un gros astéroïde, qui pourrait, sinon la détruire totalement, du moins ravager sa surface et empêcher la vie d’apparaître.

 

 

 

Impacts destructeurs. Les calculs montrent que sans la présence de Jupiter dans notre système, le taux d’impacts possibles sur la Terre serait environ mille fois supérieur au taux actuel. Sans cette présence protectrice, des collisions catastrophiques comme celle survenue il y a 65 millions d’années, provocant vraisemblablement la disparition des dinosaures, pourraient atteindre une fréquence de une tous les 100 000 ans. Cette fréquence élevée des impacts est largement défavorable à un processus biologique évolutif qui doit, selon nos connaissances actuelles, s’étaler sur plusieurs millions d’années.

 

 

Document 7 : la disparition de près de 70% des espèces vivantes, à la limite séparant le Crétacé du Tertiaire, résulterait en partie de l’impact d’un petit corps céleste d'environ 10 km de diamètre.

 

 

 

Inclinaison de l’orbite des planètes. Un autre paramètre capable d’influer sur l’apparition de la vie est celui des variations de l’inclinaison des orbites des planètes autour de leur étoile. Nous savons que ces variations d’inclinaison induisent des bouleversements climatiques importants. Sur Terre ces tendances chaotiques sont contrebalancées par le système des marées généré par notre satellite. Sans la Lune , la Terre pourrait en effet connaître des variations de son inclinaison similaires à celles de Mars qui produisent sur la planète rouge des variations extrêmes entre les saisons.

 

 

 

Document 8 : l'inclinaison naturelle de l'axe de rotation de la Terre par rapport au Soleil est responsable des variations climatiques tout au long de l'année. En ce qui concerne la Terre, une propriété importante de l'inclinaison de son axe de rotation est la variation cyclique de sa valeur : celle-ci varie entre 24,5° et 22,1°, suivant un cycle de 41 000 années. Les saisons varient donc suivant les millénaires de forte inclinaison ou d'inclinaison plus faible. 

 

 

 

Sommes-nous seuls ? Les facteurs que nous venons brièvement de décrire, et qui sont susceptibles d’exercer une influence déterminante sur l’apparition de la vie, renforcent l’idée que son émergence sur une planète donnée est somme toute très aléatoire et qu’elle exige de nombreuses conditions favorables. Ce qui a fait dire à certains scientifiques que l’apparition de la vie est un phénomène rarissime et que peut-être nous pourrions être seuls dans l’Univers.

 

 

fi (FI), la fraction de planètes porteuses d’une forme de vie évoluée (intelligente et consciente) capable d’édifier une civilisation est aujourd’hui une inconnue totale. Si les tentatives précédentes concernant les estimations des inconnues ne (NE) et fl (FL), représentent déjà un gigantesque défi qui nous montre, en définitive, à quel point nos connaissances restent encore incomplètes et fragmentaires, l’estimation de fi (FI) est carrément une plongée dans l’inconnu. Avec fi (FI) nous abordons les limites de la science et nous nous enfonçons avec délectation dans les abysses insondables de la spéculation. Ici, c’est plutôt le domaine privilégié des interrogations que des hypothèses.

 

 

Interrogations et spéculations. Quels sont les liens entre la vie, l’intelligence et la conscience ? Est-ce que l’évolution des formes vivantes aboutie nécessairement à l’intelligence et à la conscience ? L’intelligence est-elle le degré suprême de l’évolution biologique ? Est-ce que l’évolution des créatures intelligentes et conscientes aboutie nécessairement à la création de civilisations ? Comment définir la notion de civilisation ? L’existence d’une civilisation est-elle nécessairement basée sur des réalisations matérielles ? Existe-t-il dans l’Univers des civilisations qui n’auraient rien construit de tangible et de durable (d’un point de vue matériel) mais qui auraient atteint malgré tout, un degré élevé de raffinement dans le domaine de l’esprit par exemple ?

 

 

Deux certitudes. Ce dont nous sommes sûr c’est d’au moins deux choses : 1) Il existe une probabilité non-nulle pour qu’une civilisation créée par des êtres intelligents et conscients apparaisse dans notre Galaxie. La preuve, c’est qu’il existe une civilisation sur Terre. 2) Le phénomène ovni est bien réel et il apporte peut-être la preuve qu’il existe au moins une autre civilisation très évoluée dans la Voie lactée.

 

 

fc (FC) la fraction de civilisations disposant de techniques de communication interstellaire est aujourd’hui une inconnue totale. Avec les trois dernières inconnues, fi (FI), fc (FC) et L (ci-dessous), nous abordons des champs nouveaux de la réflexion sur les modes d’existence des civilisations extraterrestres. Ici, nous sommes bien sûr en territoire inconnu, mais rien interdit de s’y aventurer en prenant les précautions nécessaires. Si nous admettons qu’il existe de nombreuses civilisations extraterrestres dans la Galaxie qui sont parvenus à un stade d’évolution technique leur permettant de communiquer avec d’autres civilisations, est-il raisonnable de penser que ces civilisations ont utilisé la radio pour communiquer ? Quelle fraction de ces civilisations est non seulement capable, mais aussi désireuse, d’émettre des signaux radios que nous pourrions détecter ? Les partisans du programme SETI (les « sétiens » comme nous les appelons) sont généralement très optimistes quant à la valeur de fc (FC), et c’est bien compréhensible puisque toute leur démarche dépend de cette valeur. Les « sétiens » pensent en effet que, tôt ou tard, toute civilisation technologique découvre que les ondes radio sont un moyen efficace pour communiquer sur de longues distances dans l’Univers, et que, tôt ou tard, elles éprouvent l’envie irrésistible de communiquer par ce moyen. Aujourd’hui, cette façon de voir les choses nous paraît bien naïve.

 

 

Un concept primitif. SETI est une entreprise optimiste fondée sur une belle et généreuse idée : communiquer avec d’autres civilisations de l’Univers. Mais  une question se pose : l’utilisation les ondes radio pour communiquer avec d’autres civilisations dans la Voie lactée n’est-elle pas une technique primitive ? Le concept SETI est très louable, et nous approuvons son principe (communiquer avec d'autres civilisations). Quant il est né, la seule technique dont nous disposions pour communiquer dans l’espace sur de longues distances était la radio. Nous avons donc décidé de construire des radiotélescopes pour écouter d’éventuels messages en provenance des étoiles et pour envoyer les nôtres. A l'époque, c’était la seule technologie qui pouvait satisfaire notre volonté de communiquer, mais aujourd’hui nous pouvons envisager d’autres possibilités.    

 

 

 

Document 9 : la volonté de communiquer avec d'autres civilisations de l'Univers est dans son principe très louable. La question qui se pose est celle de savoir si la communication par ondes radio n'est pas une technique primitive qui nous enferme peut-être dans certaines limites. Nous ne pourrions en définitive communiquer qu'avec des civilisations ayant le même niveau technologique et la même volonté de communiquer que nous.    

 

 

 

Le message d’Arecibo. Le 16 novembre 1974 un message fut envoyé par le radiotélescope d’Arecibo en direction de l’amas globulaire M13 situé à 22 800 années-lumière du Soleil dans la constellation d’Hercule. Le message se présentait sous la forme d'un dessin très stylisé comportant des informations sur le système décimal, les numéros atomiques de l’hydrogène, du carbone, de l’azote, de l’oxygène, et du phosphore, la structure de l’ADN, l’apparence extérieure des êtres humains, la population de la Terre en 1974, notre place dans le système solaire, et enfin les dimensions de appareil qui avait envoyé le message. Plus qu’une tentative réelle de communication, le message d’Arecibo était une plutôt une démonstration de ce que nous étions capable de faire avec les moyens de l’époque. Il fallait bien que nous commencions par quelque chose. Certes, avec le recul du temps ce projet semble naïf, mais il avait sa raison d’être. La seule erreur que nous avons commise sans doute, c’est de croire (et certains « sétiens » le croient encore aujourd’hui), que d’autres civilisations utiliseraient forcément notre système radio pour communiquer.

 

 

 

Document 10 : le message d'Arecibo.

 

 

 

L, la longévité d’une civilisation est très variable, elle peut varier de quelques centaines d’années à plusieurs dizaines de milliers d’années, voir même des millions ou des milliards d’années. Cette durée de vie est en fait fonction du Type de civilisation considéré (notre Dossier n°2). Avec l’hypothèse du Principe CEHV (notre Dossier n°1), nous avons vu que cette longévité est un facteur essentiel qui détermine la capacité d’une civilisation à essaimer dans l’espace. Nous verrons aussi que la longévité d’une civilisation est très certainement liée à son degré de développement spirituel. Bien que le degré de développement spirituel d’une civilisation ne soit pas un facteur qui puisse entrer dans une équation et ne soit pas une donnée observable, nous supposons malgré tout que l’aspect spirituel d’une civilisation est à prendre en considération. Carl Sagan pensait que L était un facteur déterminant pour évaluer le nombre de civilisations évoluées dans la Voie lactée. Selon lui, si L est faible, il y a peu d’espoirs de pouvoir communiquer avec des civilisations évoluées.

 

 

L’hypothèse où L est élevé. Selon les propres termes de Sagan, si des sociétés parviennent à atteindre un haut niveau technologique et réussissent aussi « à résoudre consciemment les contradictions résultant des errements de la partie ancienne du cerveau et à ne pas céder l’autodestruction » alors « ces sociétés pourraient mener une vie longue et prospère » (sources : Cosmos, un prodigieux voyage dans l’espace et dans le temps, chapitre Encyclopaedia Galactica). Dans ce cas, il est possible que la durée de vie d’une civilisation puisse se comparer aux échelles de temps géologiques ou stellaires, c’est-à-dire se compter en plusieurs dizaines de millions d’années. Alors, dans ce cas de figure, N pourrait être plus ou moins égal à 107.

 

 

 

Document 11 : Carl Sagan (1934-1996), astrophysicien américain, pionnier de l’exobiologie. Carl Sagan devint docteur en astrophysique et en astronomie à l’université de Chicago en 1960. Ses recherches portèrent sur l’existence de formes de vie dans l’espace. Il étudia les origines de la vie avec les généticiens Hermann Muller et Joshua Lederberg. Lederberg et Sagan permirent à l’exobiologie d’être reconnue en tant que discipline scientifique. Sagan promut l’interdisciplinarité dans la recherche spatiale, faisant collaborer planétologues, biologistes et physiciens. Il écrivit de nombreux ouvrages de vulgarisation : The Cosmic Connection (1973), Les Dragons de l’Éden (1977), Cosmos (1980), Contact (1985), oeuvre qui sera adaptée au cinéma.

 

 

Un ciel bruissant de messages. Avec un bel optimisme qui n’est pas fait pour nous déplaire, Sagan n’hésite pas à conclure que « quels que soient nos doutes sur l’exactitude de nos estimations relatives aux premiers facteurs de l’équation de Drake (...), il paraît certain que si l’autodestruction n’est pas le destin de l’écrasante majorité des civilisations galactiques, alors le ciel est en ce moment tout bruissant de messages provenant des étoiles » (Cosmos). N’oublions pas que Sagan se situe dans une perspective SETI, et qu’il raisonne en termes de « messages radio émis » ou de « messages radio reçus ». Les déplacements de vaisseaux spatiaux entre les étoiles n’est pas, selon lui, une hypothèse réaliste compte tenu des distances énormes qui séparent ces étoiles et de la limite de la vitesse de la lumière (maximum : 300000 km/ seconde).

 

 

Sagan et le phénomène ovni. Sagan s’intéressait peu aux ovnis et il donne nettement l’impression de mal connaître le dossier. Dans son livre Cosmos, il expose son point de vue sur les témoignages d’observations d’ovnis : « La qualité des témoignages avancés reste le point le plus délicat. Il faut les examiner avec rigueur et scepticisme. Il ne faut pas se contenter de ce qui paraît plausible dans les récits de prétendus témoins qui n’apportent aucune preuve. Si l’on adopte cette attitude critique, aucun cas de visiteurs extraterrestres n’est vraiment convaincant, malgré tout ce que l’on entend sur des ovnis, sur d’antiques astronautes, et qui pourrait nous faire croire que notre planète fourmille d’hôtes imprévus ». Cette façon de raisonner est proprement stupéfiante venant de la part d’un esprit aussi brillant, novateur, et ouvert que celui de Sagan. Nous avons peine à imaginer qu’il ait pu rejeter aussi dédaigneusement une masse d’informations si précieuses concernant les ovnis. La tentation est grande, pour nous, de croire que Sagan était peut-être au contraire bien informé au sujet des ovnis mais qu’il ne voulait pas, ou ne pouvait pas, divulguer ce type d’informations. C’est la seule solution que nous avons trouvé, en tout cas, pour expliquer son attitude ambiguë concernant la question de l’existence de civilisations extraterrestres dans notre Galaxie et (qu’on le veuille ou non) son étroite relation avec le phénomène ovni.

 

 

Plus de questions que de réponses. Le produit de tous ces facteurs donne une estimation de N, qui est le nombre de civilisations intelligentes capables de communiquer avec nous dans la Voie lactée. Comme nous pouvons le constater la plupart de des facteurs sont inconnus ou leur estimation est très difficile à faire. Une évaluation pessimiste aboutira à N = 1. Cela veut dire que nous serions la seule civilisation intelligente dans toute la Galaxie. Une évaluation au contraire optimiste donnera N = 1 000 000 de civilisations intelligentes, voir même davantage. Quelques astronomes ont tenu compte de variations temporelles des paramètres de l’équation de Drake. Le taux de formation des étoiles dans notre galaxie était en effet plus important dans le passé, ce qui veut dire que R était plus élevé. Mais ces affinements ne permettent pas d’avoir une estimation plus précise de la valeur de N. Il faut bien voir que la fameuse équation de Drake est incapable de nous fournir la moindre estimation quantitative fiable concernant le nombre de civilisations intelligentes dans la Voie lactée. En définitive, l’intérêt majeur de cette équation réside essentiellement dans sa capacité à nous faire toucher du doigt les difficultés que nous devrons surmonter avant de pouvoir entreprendre un travail sérieux sur la démographie des civilisations intelligentes dans notre Galaxie. Sa fonction est avant tout de nous faire prendre conscience des questions que nous devrons résoudre plutôt que d’apporter des réponses fiables.

 

 

Une « équation totale ». Comme le faisait judicieusement remarquer Sagan : « l’une des grandes vertus de l’équation de Drake est qu’elle fait intervenir des domaines (de la connaissance) qui vont de l’astronomie stellaire et planétaire à la chimie organique, à la biologie de l’évolution, à l’histoire, à la politique, (et) à la psychologie » (Cosmos). Nous pourrions ajouter à cette liste, et bien que ces domaines de la connaissance ne soient pas expressément nommés : la sociologie, l’économie, l’anthropologie, et même la spiritualité. Cette équation englobe presque toute la réalité de notre Univers et c’est pour cette raison qu’elle est à la fois si fascinante, et pourtant si peu capable de nous aider. C’est presque une « équation totale » qui donne la mesure de notre ignorance. Sa valeur réelle est peut être cachée dans ses trois dernières inconnues (FI, FC, L) pour lesquelles nous n’avons aucune estimation fiable. Il semble, d’ailleurs, que la quête pour résoudre ces ultimes inconnues soit particulièrement stimulante pour l’esprit.

 

 

N est élevé. Il existe cependant au moins deux raisons qui peuvent nous amener à penser que N, le nombre total de civilisations évoluées dans la Voie lactée, est relativement important, et que ce nombre peut éventuellement se rapprocher de l’estimation optimiste de 1 000 000 de civilisations. Ces deux raisons sont liées d’une part à la durée de vie d’une civilisation, et d’autre part au fait qu’une civilisation évoluée peut se donner comme objectif l’exploration d’autres systèmes stellaires. En ce qui concerna la durée de vie d’une civilisation rien ne s’oppose, à priori, à ce qu’elle dépasse les 100 000 ans, et même qu’elle atteigne plusieurs millions d’années. Une fois parvenue à un certain niveau d’évolution (lorsque nous parlons d’évolution nous n’entendons pas seulement une évolution matérielle et technologique mais surtout une évolution spirituelle), et après avoir surmontée toutes les crises inhérentes à la croissance d’une jeune civilisation, il n’est pas déraisonnable d’imaginer qu’une civilisation très évoluée puisse atteindre un équilibre interne parfait et une grande stabilité dans le fonctionnement de ses institutions.

 

 

 

Document 12 : une civilisation très évoluée pourrait atteindre un équilibre interne parfait garant d'une longévité et d'une prospérité exceptionnelles. 

 

 

 

La volonté d’explorer l’Univers. La seconde raison de croire à un nombre élevé de civilisations évoluées dans la Galaxie repose sur l’idée qu’une fois maîtrisées les techniques des vols spatiaux, une civilisation s’élancera sans hésiter, dans l’exploration du vaste Univers. Si ce point de vue est juste nous devrions nous attendre à trouver de nombreux foyers de civilisations dans toute la Galaxie. Il n’est pas non plus déraisonnable de penser que parmi ces millions de civilisations évoluées plusieurs milliers d’entre elles aient entrepris des voyages interstellaires. Des civilisations évoluées dont la durée de vie dépasserait les 100 000 ans pourraient avoir visité toute la Galaxie.

 

 

 

Document 13 : une fois que les techniques des vols spatiaux habités vers les planètes de son système stellaire seront maîtrisées, une civilisation de Type I s’élancera sûrement dans l’exploration d’autres étoiles.

 

 

 

 

 

Nous ne sommes pas seuls ! L’Univers est très grand et très âgé, et il est peu probable que l’apparition de la vie sur Terre soit une exception. Peut-être que les formes de vie telles que nous les connaissons sur notre belle planète bleue sont uniques dans l’Univers, mais il est maintenant presque certain que la vie, considérée dans son acception la plus générale, est née sur un grand nombre de planètes et que son apparition est plutôt la règle que l’exception. L’argument cosmologique repose sur la loi des grands nombres et sur le principe de médiocrité. Selon le principe de médiocrité il est statistiquement plus probable que nous soyons situés dans la moyenne plutôt que dans les extrêmes. Il serait donc déraisonnable de penser que nous sommes les seuls êtres vivants et pensants dans tout l’Univers. Ce point de vue est en effet trop extrême.

 

 

© Daniel Robin avril 2008.

 

 

L'équation de Drake : partie 1.

 

 

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